La trahison de l’Isengard.

Dorénavant seul, Saroumane pouvait utiliser a sa guise le Palentir, reclus au sein même d’Orthanc.
D’un geste lent, il avait placé sa main sur la pierre ronde et un nuage opaque s’y format.
Bientôt, un œil apparut.
Utilisant ses pouvoirs, il obligea Sauron à détourner son regard et lui dit alors :

-« Seigneur ténébreux, enfin je vous trouves. L’anneau a sombré depuis bien longtemps, et son sommeil semblait éternel. Mais les hommes du Gondor, les Elfes, et même un Istari sont à sa recherche. Il semblerait en effet que son pouvoir ait ressurgit, et nul ne sait comment. Ainsi je vous l’ordonne : montrez-moi le lieu où vos sbires l’ont aperçus pour la dernière fois. »

L’Istari espérait que le Maiar, si faible qu’il ne se matérialisait plus que sous la forme d’un grand œil, ne résisterait pas au grand pouvoir de sa voix et qu’il lui indiquerait, soumit, où il pensait trouver l’Unique.
Mais la vérité était tout autre, et Curunir allait très vite en faire les frais…

Alors que l'Oeil était rivé sur la Moria, et ses ennemis Aragorn et Legolas, il fut soudainement attiré par une autre puissance, contraint par les pouvoirs de Saroumane de prêter attention à celui-ci, à travers le Palantir d'Isengard. La fureur d'être dérangé alors qu'il pensait qu'il était probable que l'Anneau soit retrouvé par le Roi du Gondor et le Roi de la Lorien se dégagea par un grossissement de l'iris de l'Oeil, et une augmentation des flammes qui l'entourait. Pour Saroumane, cela aurait pû paraitre anodin, si il n'était pas pris d'une soudaine chaleur alors qu'il venait de finir de parler. Cette chaleur se fit de plus en plus intense, jusqu'à ce que Sauron accepte de parler.

"Curunir... Je vous surveille depuis longtemps maintenant. Vos pouvoirs semblent grands, bien plus que ceux de ce magicien de pacotille, Mithrandir... Mais croyez-vous pouvoir me donner des ordres ?!"

La chaleur qui s'était emparé de Saroumane s'apaisa, mais en vérité elle s'était simplement déplacé, et concentré sur la main du magicien, qui reposait sur le Palantir. L'Istari put voir que les flammes qui entouraient l'Oeil ne cessaient d'augmenter, et ces flammes même à travers le Palentir commençaient à brûler Saroumane. Pourtant, il ne pouvait détacher sa main, comme collée par un maléfique du Maïar au Palantir. Alors, très vite, la douleur s'échappa du domaine du supportable...

"Cherchez l'Anneau Curunir, et apportez-le moi. Ou vous mourrez !"

A ces mots, la douleur était à son point culminant. Elle resta ainsi le temps d'une ou deux secondes qui paraissaient surement plus longues pour Saroumane, et soudainement il n'y eut plus aucune chaleur émanant du Palantir. L'Oeil était toujours là, et de toute sa haine il fixait l'Istari, dans l'attente d'une réponse...

L’Istari était parcouru de spasme douloureux, et c’est à grand effort d’esprit qu’il réussit à tenir bon contre la puissance du Maiar.
Ayant retrouvé durant quelques instants ses forces, il s’exclama d’une voix caverneuse.

-« Vous ne pouvez rien contre moi, mortel ! L’anneau a échoué entre vos mains, il doit dorénavant trouver un nouveau maître. Montrez-moi où il chuta ! »

Les lumières de la salle s’éteignirent, et le ciel de l’Isengard devint plus noir que jamais.

Les lumières de la salle éteintes, Saroumane pouvait tout de même y voir clair. Pourquoi ? L'Oeil, dans sa fureur, faisait multiplier à une vitesse ahurissante les flammes qui l'entouraient. La chaleur qui se dégageait du Palantir devenait insupportable, et la vision de ce Grand Oeil de Feu ne permettait pas de garder un esprit sain. Nul ne pouvait rester impassible devant la puissance et la haine qui se dégageait de Sauron. Pourtant, tous ces phénomènes se calmèrent soudainement, comme si le Noir Maïar avait subitement changé d'idée. Il s'exprima à Saroumane par les mots suivants :

"L'Anneau a été perdu par Isildur, dans les courants de l'Anduin. Cherchez-le, Curunir, cherchez-le..."

Pourquoi ? Pourquoi Sauron se permettait-il de donner une information aussi importante au souverain de l'Isengard ? Nul doute qu'une idée avait germé en son esprit, une idée machiavélique, comme à son habitude...

L’Istari retira soudainement sa main de la Pierre de Vision.
Enfin, oui, enfin le lieu où avait chuté l’anneau lui a été révélé.
Les bougies se rallumèrent et les portes de la salle s’ouvrirent ; deux hommes en armure se présentèrent.
Saroumane prit son bâton et dit :

-« Je vous libère, hommes du Gondor, vous et toute votre armée, de mon service. Faites dorénavant ce qui vous semble le plus juste, mais partez. »

L’un d’eux s’avança, la mine emplie d’incompréhension.

-« Mais monseigneur, qui assurera votre sécurité si jamais les hommes sauvages se… »

Le vieux mage s’écria d’une voix mauvaise :

-« Ne vous souciez plus de moi, d’autres gens prendront bientôt votre place. Maintenant laissez moi seul en Orthanc, et ne revenez jamais. »

Les soldats cédèrent finalement et l’Isengard fut vidé de ses occupants en une demie journée.
Tard dans la soirée, Saroumane se décida à parler une nouvelle fois à Sauron via le Palentir.
Il pensait que, en faisant croire au Grand Oeil qu’il voulait l’aider a retrouver l’anneau, il pourrait se l’approprié plus facilement.
C’est alors d’une voix mielleuse qu’il interpella le souverain du Mordor :

-« Seigneur Sauron, oublions nos rancoeurs respectives et lions nous dans la quête de l’Unique. Rien ni personne ne pourra jamais résister a notre alliance. Travaillons ensemble à la destruction de la terre du Milieu. Ainsi donc, je vous le dit : je suis a votre entière disposition. »

Sauron commençait déjà à être exaspéré de ce vieillard qui osait sans cesse le déranger, l'obligeant à lâcher toute l'attention qu'il portait sur la Terre du Milieu pour trouver l'Anneau. Toutefois, la voix mielleuse de Saroumane lui montra que ce mage s'était légèrement calmé et acceptait que Sauron était bien plus puissant que tout ce qu'il avait pu croire. Mais ce n'était pas assez, le Noir Maïar lui montrerai ce qu'il en coûte de défier son autorité et sa toute-puissance ! Mais pas encore, pas encore...

"Curunir...Bientôt la guerre se portera sur toute la Terre du Milieu, mais auparavant, vous vous devez de vous constituer une armée, et de me constituer aussi une armée digne du Mordor. J'ai ouïe dire que orcs, et gobelins, par un savant mélange, donnaient une race bien plus forte que tout ce qu'on puisse imaginer. Essayez donc, Curunir..."

La voix se tut, attendant une réaction, une réponse de Saroumane, si il était prêt à commettre l'irréparable...

Il y eu un grand silence, puis Saroumane reprit :

-« Eh bien...oui, c’est d’accord. Les hommes et les elfes ne se rendent point compte encore qu’il est inutile de vous résister. Mais un mage de mon ordre ose réveiller leur courage et il est un réel danger pour nous tous. Je pourrais le briser, a moins que votre plus fidèle serviteur, j’entend par là le maître de Minas Morgûl, soit plus apte a l’éliminer. Vous ne recevrez pas de nouvelle de moi et de l’Isengard avant bien longtemps. Notre règne approche, et la Terre du Milieu connaîtra notre courroux. »

L’Istari reposa le tissu de velours sur le Palentir et se dirigea vers le bas de sa tour.
Là, de nombreux crébins s’étaient regroupés car ils avaient entendu l’appel de leur nouveau maître. Curunnir leur dit alors :

-« Allez au Mordor, et faites en sorte que le Noir Pays envoie bon nombre de ses ouvriers en ses lieux. Volez maintenant, et ne vous arrêtez pas en chemin. »

Le vieux mage repartit dans les entrailles d’Orthanc, et la nué des sombres oiseaux s’envola, couvrant le ciel d’une ombre ténébreuse.